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L’art de ranimer les lieux : quand l’architecture rencontre l’âme d’un quartier

Il y a, dans les bâtisses abandonnées, une forme de silence habité. Une promesse suspendue. En tant qu’architecte, j’ai toujours été sensible à cette idée : que l’on peut insuffler une seconde vie à ces structures oubliées, non par nostalgie, mais par conviction que certaines pierres portent en elles une mémoire qui aspire à resurgir.


Ce ne sont pas toujours des lieux « patrimoniaux » dans le sens officiel du terme. Et pourtant, ils vibrent d’une présence discrète, d’une histoire que l’on sent sous la brique et la poussière. Ce sont des territoires à réanimer, des interstices du temps où l’on peut faire renaître un sentiment d’appartenance.


Guylaine, artiste aquarelliste et designer, incarne cette vision par sa présence et par sa foi en la puissance transformatrice de l’art. Elle croit, et je la rejoins pleinement, que la beauté n’apparaît véritablement que lorsqu’on apprend à voir au-delà de ce que la réalité nous impose. Il faut une forme de regard intérieur pour percevoir ce qui sommeille.


Notre histoire avec ce quartier commence en 2008, avec l’acquisition d’un premier bâtiment, modeste en apparence, mais chargé d’intentions. Intégré à un ancien complexe textile, ce geste n’était pas une expansion stratégique, mais un acte symbolique — un marqueur de changement, une tentative douce de provoquer une résonance collective autour de l’avenir d’un territoire porteur de souvenirs partagés.


Derrière ce projet, il y avait bien sûr notre désir de faire croître notre pratique en architecture et design. Mais au cœur de cette démarche, il y avait aussi une conviction profonde : que la réappropriation d’un lieu porteur de mémoire peut catalyser une prise de conscience collective. Ces espaces — délaissés, dévalués, parfois même méprisés — peuvent redevenir des ancrages, des points de stabilité dans le flux incertain du monde.


Au fil des ans, un café, un studio de yoga, une brûlerie se sont installés. Des fragments de vie sont revenus s’y ancrer. Cette synergie sociale, aussi discrète soit-elle, a peu à peu redéfini le regard posé sur le quartier. Car il faut bien le dire : les lieux abandonnés, dans l’imaginaire collectif, finissent souvent par incarner le vide, le manque, voire l’échec. Réhabiliter un tel lieu, c’est aussi réhabiliter le regard que l’on porte sur lui.


Cela demande une volonté farouche. Une capacité à croire, contre les apparences, que l’avenir peut s’ancrer dans les vestiges du passé. Il faut de la patience, aussi. Et c’est sans doute la qualité qui nous définit le mieux. Il aura fallu attendre 2022pour que les autorités reconnaissent la valeur singulière du site et apposent, sur notre bâtiment, un symbole de reconnaissance implicite. Une forme de validation muette, mais précieuse.


Puis vient 2023, et avec lui un second chapitre — toujours marqué par un bâtiment, comme autant d’actes dans une pièce en devenir. Grâce à la confiance d’un voisin bienveillant, nous avons pu acquérir un second édifice. Cette fois, notre démarche est habitée d’une nouvelle force : une indépendance professionnelle qui nous permet de viser plus juste, plus personnellement notre rêve initial.


Nous souhaitons que ce bâtiment devienne un phare communautaire, un ambassadeur de l’art comme vecteur de transformation. Le site lui-même s’est purifié, révélant dans ses entrailles trois anciennes turbines, vestiges d’une époque où l’eau canalisée faisait tourner les métiers à tisser. Ce symbole d’énergie transformée, redirigée, nous a inspiré le nom que porterait le lieu : La Turbine 240.


À travers cette galerie, nous voulions rejoindre un mouvement plus vaste, en quête d’exemples où l’art a agi comme ferment de renouveau urbain. Wynwood, à Miami, s’est rapidement imposé à nos esprits. Bien que nos échelles soient incomparables, la philosophie est la même : l’art, par sa seule présence, peut redéfinir un quartier.


Pour Guylaine, cette nouvelle acquisition devenait l’évidence d’un rêve à ancrer dans le réel. La galerie qu’elle imaginait n’était plus un projet, mais une nécessité. Un lieu de diffusion, certes, mais surtout un point d’irradiance où l’art deviendrait cette turbine symbolique : celle qui génère l’énergie du changement.


Le défi est immense. Il nous faut attirer des artistes de renom, capables d’amplifier cette dynamique. Mais aussi donner voix aux artistes locaux, aux créateurs de proximité, porteurs d’un imaginaire enraciné. C’est dans cet esprit qu’un lien naturel s’est tissé avec Étienne St-Amant, artiste dont Guylaine connaissait déjà la démarche.


Étienne est un passeur entre mondes : celui de l’art et de la science. À travers les mathématiques et les technologies de calcul intensif, il crée des œuvres où le chaos devient matière première. Ses algorithmes sont des pinceaux, ses limites celles de la faisabilité. Il sera l’un des premiers artistes à exposer à La Turbine 240.


Mais notre intention ne s’arrête pas aux murs de la galerie. Nous voulons contaminer positivement le quartier, y inscrire des œuvres dans les interstices urbains — faire de la rue une extension naturelle de l’espace d’exposition. Cette idée, d’abord surgie de l’imaginaire de Guylaine, m’habite profondément.


Formé en architecture urbaine, j’ai toujours vu les espaces entre les bâtiments comme des lieux de potentiel immense. Ce sont des espaces d’expérience. Les investir avec de l’art, c’est enrichir le parcours du passant, transformer la marche quotidienne en voyage sensible. C’est rendre hommage à ceux qui ont tissé, jour après jour, la trame invisible de ce quartier.


Nous projetons donc de créer des partenariats artistiques et citoyens pour dessiner un parcours vivant, où les zones désaffectées retrouveraient usage, et où le quartier, longtemps enfoui sous le poids de son passé, pourrait se redresser avec fierté. Une fierté digne de ceux qu’on appelait ici, autrefois, les tisserands.


2025 marquera un tournant. La Turbine 240 ouvrira ses portes. Et ce lieu ne sera pas seulement une galerie : il deviendra une œuvre habitée, un tableau vivant de la résilience humaine, un espace-témoin de ce que peut accomplir une vision habitée de sens. Il reste encore tant à faire, tant de liens à nouer. Mais aujourd’hui, nous croyons profondément qu’il est permis de rêver les yeux ouverts. Et de vivre, ensemble, au cœur de ce rêve.


Sylvain Pomerleau, architecte

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